"Henri Flammarion, qui m'avait confié, dix ans auparavant, l'illustration de "La Naissance du jour", revint vers moi avec un projet de grand envergure : illustrer la "Physiologie du goût" de Brillat-Savarin. Il s'agissait d'un ouvrage au style magnifique, un manifeste de l'art culinaire et des plaisirs de la table, doublé du savoureux recueil de mémoires d'un illustre cuisinier du XIXe siècle. Ce fut ma plus longue bataille : cinq ans de travail, cent soixante huit pointes sèches. Outre l'évocation des produits, des plats et des terroirs, je décidai de graver les grandes figures de la gastronomie de mon temps : Curnonsky, Edmond Chaix, le docteur de Pomiane, Fernand Point.

Un jour, je les avais tous rejoint à Saint-Rémy-les-Chevreuses, chez Mennessier, pour y goûter son fameux coquelet sauce diable. La dégustation s'effectua dans un silence religieux. Aujourd'hui encore, je me souviens de ces délicieuses saveurs. A la fin du déjeuner, Curnonsky, ému, fit appeler Mennessier, se leva et l'embrassa sur les deux joues..."